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Vous connaissez probablement tous l’irrésistible tiramisù et le grand charme du Spritz, tous deux symboles de la cuisine vénitienne. Mais cette ville unique au monde tant par sa géographie que par son histoire offre une palette gustative plus secrète, riche en nuances avec des mets essentiels de la mer, de la terre, du ciel mais aussi plus particuliers, parfumés qui évoquent des terres lointaines. Ouvrons donc doucement la porte…

 

Venise, l’eau, la terre et le ciel

Produits de la mer

Venise nait et vit sur l’eau : la mer de ça et l’eau douce de la Lagune de là. Sa cuisine s’est toujours nourrie de ces trésors à portée de main. Des crustacés d’eau douce ou salée, des coquillages comme les fameuses vongole, des sardines, des dorades, des bars…

Dégustez la fraîcheur et la simplicité de la granseola (gros crabe) cuite et assaisonnée avec juste un peu d’huile, du sel, du poivre et du citron ou la gourmandise des moleche ces crabes frits moelleux (sans carapace) pêchés en période de mue.

Plongez votre fourchette dans la polenta e schie (de la polenta moelleuse blanche avec des petites crevettes grises) ou des seiches à l’encre de seiche (seppie al nero).

N’oubliez pas de goûter un incontournable, à la saveur unique aigre-douce : les sarde in saor (au vinaigre, épices, raisins et pignons). Un mets fruit des influences orientales qui avait le grand avantage (notamment pour les marins) de se conserver longtemps.

Sans parler de la multitude de risotti crémeux (all’onda, sur l’onde) au poisson.

Les trésors du potager

Venise n’est que ville… elle n’offrait aucun d’espace cultivable. Dès le XVIème siècle, on décida de bonifier les terres et les îles alentour pour y planter des vignes et des potagers. Le succès fut au rendez-vous : les terres salines et le micro-climat sont à l’origine de vins exquis et de légumes au goût unique comme les asperges, les artichauts, les petits pois, les courges, les oignons… C’est d’ailleurs avec ces oignons très doux que l’on prépare un grand classique vénitien : le foie de veau à la vénitienne (fegato alla veneziana). Un délice qui fond en bouche !

 

Tout ce qui vole

Côté viande, il existe une longue tradition tourne autour de la volaille qui vole ou plus du tout : notamment l’oie, le canard farci (anatra ripiena alla veneziana) et le gibier comme dans le cas de la polenta e osei (polenta et grives ou autres petits oiseaux ) ou la pintade au vin rouge.

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L’alchimie des influences, saveurs du monde

 

L’Orient et les épices

Venise puise l’unicité et le charme de sa cuisine aussi dans son histoire de grande République maritime, reine des routes commerciales. Notamment à son apogée à la fin du Moyen-Âge et à la Renaissance, la Serenissima était un carrefour, une porte ouverte entre l’Orient et l’Occident. Elle fût à l’origine de l’introduction des épices en Europe (dans le sens plus ancien du terme : produits exceptionnels) comme le poivre, le safran, le gingembre, le clou de girofle, la noix de muscade, les raisins secs, la cannelle… Mais aussi des mélanges, des saveurs aigre-douces, piquantes… On retrouve encore des traces de ces goûts dans les sarde in saor citées plus haut avec une version végétarienne de la courge in saor (au vinaigre, pignons et raisins) par exemple et, bien sûr, dans les desserts.

 

Le monde arabe : le riz et le sucre

Les vénitiens découvrirent l’usage du riz en cuisine et le sucre de canne au contact avec le monde arabe. Venise fût aussi une des premières villes d’Occident à raffiner le sucre de canne que des riches familles vénitiennes cultivaient sur les îles de Crête et de Chypre.

Le riz était vendu au prix d’or par grain et était utilisé en minuscules quantités dans le potage. Ce n’est qu’après l’avoir cultivé en Italie dans la plaine du Pô que les plats à base de riz naissent (plutôt sous forme de soupe dense au début) pour arriver aux risotti. Les mets emblématiques et les plus nombreux de la gastronomie de Venise (alors qu’il n’y a très peu de recettes de pâtes).

Tombez sous le charme délicat des risi e bisi (riz et petits pois) entre la soupe et le risotto un incontournable. Ne manquez pas tous les risotti de la mer comme le risotto au Go (poisson local), au bar, aux anguilles, aux seiches, aux moules, aux langoustines ou ceux végétaux comme le risotto aux asperges ou aux courgettes.

 

Le Grand Nord : le baccalà

Aussi étonnant que cela puisse paraître (alors que Venise dispose de poisson frais en abondance),   des plats emblématiques sont à base de morue séchée (en principe il s’agit du stoccafisso que les Vénitiens appelle baccalà comme la morue au sel). Il suffit de penser au baccalà mantecato (une crème à base de morue séchée comme une brandade, huile d’olive et huile de coude qui se sert avec de la polenta grillée) ou plus simplement cuite et assaisonnée avec du persil et de l’ail.

La découverte de ce mode de conservation eu lieu au XVIème siècle par un vénitien qui survécu à un naufrage dans une île norvégienne. Accueilli et sauvé pas les autochtones, il découvrit cette façon d’utiliser la cabillaud, il revint à Venise avec ce trésor qui fût ensuite adopté dans toute l’Italie et dans d’autres pays méditerranéens.

 

L’Amérique : la polenta et la pomme de terre

Et puis il y a eu la découverte de l’Amérique, ses produits magiques et notamment celle du maïs et de la pomme de terre. Le premier a été adopté de suite avec la polenta ! C’est l’accompagnement (pendant longtemps seul plat de subsistance) de presque tout : poisson, volaille… À Venise elle est la plupart du temps servie blanche, crémeuse ou, grillée, sous forme de crostino

La pomme de terre s’est transformée en gnocchi, autre plat profondément italien qui, paraît-il, trouve son origine ici.

 

L’art de l’apéritif

Quand sonne l’heure de l’apéritif, Venise déploie son sourire et vous accueille comme elle l’a fait pendant des siècles avec tous les marchands lors des longues négociations et les visiteurs du monde entier. La cuisine vénitienne regorge de saveurs et ce dès l’apéritif.

Vous pouvez choisir de manière plus authentique et secrète d’aller déguster des cicchetti (petites choses, sortes de tapas) dans les bar à vins plus ou moins cachés, au comptoir, avec une ombra (un verre de vin) : oeufs durs aux anchois, petits poisson frits, boulettes de viande, crème de morue (baccalà mantecato).

Ou bien pour un apéritif plus chic avec l’incontournable Prosecco. Languissants sur une table avec vue sur la laguneau crépuscule, demandez un Spritz garni d’olive et d’orange, un Bellini ou un Rossini (l’un avec du sirop de pêche blanche et l’autre avec des fraises) selon l’envie ou la saison

Et si vous avez envie d’accompagner ce breuvage, opter pour les tramezzini vénitiens, des sandwichs de pain de mie, très généreux et savoureux (avec du thon, des artichauts, du jambon…). Il y en a pour tous les goûts.

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Douceurs gourmandes, frugales et le carnaval

La cuisine vénitienne offre plusieurs univers sucrés qui se sont entrelacés à travers le temps.

Crémeux et gourmand. Bien sûr, en premier lieu, arrive le sensuel tiramisù, apparemment né ici dans un café dans les années cinquante. Un remontant crémeux et irrésistible. Mais il y aussi de la crème pâtissière frite (crema fritta) ou la rosada (crème aux oeufs)

Plus ancien, frugal et de ménage. Comme des biscuits : les zaeti des biscuits secs à la farine de maïs ou les baicoli ou des gâteaux à base de pain rassis et de raisins secs comme la torta nicolotta ou de polenta, pomme et également des épices et des fruits confits (ascendances orientales) comme la pinza.

Vous pouvez y retrouver aussi des belles brioches, comme la Pinza de Pâques ou le fameux Pandoro de Noël fruit de l’empreinte de l’Empire Austro-Hongrois.

Enfin, le mythique carnaval de Venise et sa longue tradition de gâteaux frits ne peuvent manquer : régalez-vous des fritòle (beignets aux raisins et safran qui en XVIIIème siècle figuraient parmi le dessert national de Venise), de crostoli (des bugnes), de beignets de pomme ou même de courge (frittelle di zucca).

Venise et sa cuisine authentique n’auront désormais plus de secrets pour vous !

Edda Onorato 

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